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Lettre d’Alcide Lachance à ses confrères nantais

Lettre d’Alcide Lachance à ses confrères nantais
Nantes, le 16 mai 1840
Chers confrères nantais,
Par la présente lettre, je vous convie en assemblée extraordinaire, vous naturalistes et passionnés du monde vivant.
L’heure est venue pour moi de vous livrer le fruit de mes recherches. Si j’ai fait secret de mon travail jusqu’à aujourd’hui, certains d’entre-vous ont déjà eu l’occasion de s’entretenir avec moi de mon Jardin Idéal, au détour des allées ou bien dans une serre du jardin des plantes. Beaucoup d’entre vous m’ont exposé amicalement leur incompréhension. Pour introduire mon exposé, je me dois de dévoiler le chemin qui me mène, depuis mes lointaines terres québécoises, jusqu’à vous.

Je n’ai pas suivi les classes très savantes de l’académie des sciences. Mon école fut celle de la vie au bord de l’estuaire du Saint-Laurent. Je suis né avec le siècle, à Québec. Ma famille a fait fortune en produisant du bois pour le compte de la couronne d’Angleterre. Alors que la Révolution en France coupait des têtes, mes parents, par delà l’Atlantique coupaient des arbres centenaires avec une barbarie toute égale.
Je ne sais quel penchant en mon coeur m’amena, tout petit déjà, à sentir que mon destin était lié à celui du monde végétal, lié à ce que je n’appelais pas encore la botanique.
Les plantes des sous bois attiraient toute mon attention au grand malheur des bûcherons qui manquèrent plusieurs fois de m’écraser sous la masse imposante des arbres mutilés.

Banni des forêt je fus mi à l’abri, ou devrais-je dire en quarantaine, dans les marais, dépourvus d’arbres, mais riches et nombreux le long du Saint-Laurent. J’y passai un temps infini, tous les étés en compagnie des insectes et de mes amis les plus fidèles : les plantes carnivores. Vers l’âge de 18 ans, j’y construisis même mon premier laboratoire, une cabane sur pilotis, et commençais à sélectionner, hybrider, greffer un grand nombre de plantes québécoises, avec une frénésie que seule la passion véritable inspire.
Pendant ce temps, au nom d’un soit disant progrès, ma famille et tant d’autres à travers le monde, détruisaient nos ancêtres les arbres.
Ce massacre gratuit m’était intolérable ! Milles machines à vapeur ne valent rien face à un pin centenaire !

De même que certaines plantes donnent gîte et couvert à des fourmis qui les défendent, dans une alliance réciproquement profitable, l’Homme ne pourrait-il pas trouver sa place au sein des autres familles ? En les transformant par la sélection volontaire, ne pourrions-nous pas adapter la nature à nous et nous à elle, puis la laisser vivre pour lui laisser reprendre son histoire millénaire ? Libre ! En se plaçant au-dessus de la nature, les bûcherons, commerçants, industriels, et prétendus savants, ne font que peser sur la vie, ils ne font qu’à l’écraser et, d’ici un siècle, l’incroyable variété des êtres aura presque disparue, creusant un trou dans lequel l’Humanité finira par s’enterrer elle-même. Folie ! Nous devons prendre soin avant tout du règne des plantes, car lorsque les plantes règnent, toute la vie prospère.

C’est là toute l’idée du Jardin Idéal, un sanctuaire botanique où de nouvelles espèces de plantes pourraient prospérer, se protéger et même se défendre de l’homme, sans se soucier de le nourrir ou de plaire à ses yeux aveugles, et abritant en son coeur insectes, oiseaux et animaux en tout genre.
Une révolution du monde vivant pour contrer la révolution industrielle en somme.

Très vite, je me rendis compte que le nombre de plantes présentes à Québec ne me permettrait pas de donner vie à mon Jardin Idéal.
Je décidai donc de partir pour l’Europe, près des élites scientifiques que j’admirai, vous très chères confrères, et plus précisément en France dont l’empire colonial permettait de faire venir des quatre coins du monde des plantes extraordinaires.

Ayant entendu dire qu’un nouveau muséum venait d’ouvrir et qu’un certain Antoine Noisette, directeur du jardin des plantes, vendait à tour de bras des espèces rares et exotiques qu’il multipliait au sein même du jardin, j’embarquai à destination de Nantes, emportant avec moi de nombreuses plantes québécoises, dont certaines de ma création.

En conclusion, j’ai l’honneur de vous présenter, le 23 juin prochain, au pied des serres du jardin des plantes, mes spécimens les plus prometteurs, qui peupleront à terme les îles de Nantes. L’hybridation des espèces québécoises et françaises donne des résultats étonnants. C’est la clé de la réussite. J’espère que cette hybridation pourra se produire également intellectuellement entre nous.

Je ne peux conclure sans redire ici mon impatience et ma fierté à vous rencontrer tous dans quelques jours pour vous exposer plus avant mon projet et vous présenter mes premiers hybrides.

                    Dans l’espoir de vous voir rejoindre ma révolution botanique,
                    Amicalement,
                    Alcide Lachance